Deux personnes peuvent avoir le même problème musculaire ou articulaire (ou autre), mais seulement l’un d'eux ressent la douleur.
On est tous fait de la même conformation anatomique, avec les mêmes nerfs qui servent à communiquer au cerveau les informations que les autres parties du corps récoltent.
Pourtant, une atteinte n’entraîne pas systématiquement un ressenti douloureux.
🤔 Pourquoi ?
Définissons tout d’abord le terme de sensibilité à la douleur :
Elle désigne la quantité minimale de stimulus qui peut être supportée jusqu'à ressentir la sensation que nous identifions comme douloureuse.
La douleur résulte d’un mécanisme très complexe qui fait intervenir différents récepteurs et intermédiaires dans la transmission du message douloureux.
Nous avons des capteurs sensibles nommés nocicepteurs localisés dans la peau, les muscles (dont les tendons), les articulations et les os.
Ces nocicepteurs répondent à un stimulus (physique, chimique ou thermique) par un message envoyé au cerveau qui analyse le danger et envoie une sensation douloureuse correspondante.
🚥 Cette charge douloureuse ressentie devrait être adaptée à l’alerte que cela représente.
Mais elle est différente entre les individus, et les études ont défini certains facteurs qui influencent l’intensité de cette sensibilité.
(Tous les facteurs modifiant la sensibilité à la douleur ne sont pas cités dans cet article.
Sont indiqués ici les facteurs qui semblent être le plus déterminant, surtout dans le monde du travail.)
😣 L’état psychologique, le stress et l’anxiété peuvent augmenter significativement la sensibilité à la douleur.
On a tous connu quelqu’un qui, ayant été soumis à un événement chargé mentalement (deuil, mariage, examen scolaire très important) a développé de fortes douleurs physiques.
La manifestation de la douleur physique suite à un phénomène de stress a souvent lieu dans une zone où il y a déjà un déconditionnement.
J’ai régulièrement eu des patients qui sont venus me consulter pour des douleurs au niveau du cou. Certains n’ont vécu aucun événement physique notable récent et ont témoigné d’une forte charge mentale les jours (ou les semaines) précédant la manifestation de la douleur.
Le cou est une zone souvent enraidie par l’immobilité que l’on a lorsqu’on travaille assis, ou lorsqu’on regarde son téléphone.
Les muscles joignant l’omoplate aux vertèbres cervicales supérieurs (trapèze & élévateur de la scapula) sont raides, douloureux à la palpation, mais ne sont pas nécessairement douloureux dans leur utilisation quotidienne, avec les contraintes qu’ils subissent habituellement.
Lors de l’apparition d’un phénomène de stress, le seuil de sensibilité à la douleur baisse, et le cou devient fortement douloureux.
On parle alors de cervicalgie → cervicale + algie (= douleur)
😴 Comme expliqué dans notre article sur les conséquences du manque de sommeil sur la santé physique, dormir - de 6h ou + de 9h diminue significativement le seuil de sensibilité à la douleur.
🏃🏻La pratique d’une activité physique : un des facteurs améliorant le + la sensibilité à la douleur :
👨🏻⚕️ David Lefrançois, directeur de l'Institut des neurosciences appliquées à Paris l’explique en ces termes : «Ce n'est pas surprenant, le principe de base de l'être humain, c'est de s'adapter. Or, il n'y a pas que la masse musculaire qui se développe en réponse aux efforts récurrents qui lui sont demandés. Sur le plan psychologique aussi, lorsque l'on s'habitue à supporter les douleurs du sport, il devient plus facile d'accepter d'autres types de douleurs.»
📄 Une étude (Jones et al, 2014) très intéressante à ce sujet a été menée en Australie :
Dans cette expérience, 2 groupes d’adultes d'âges similaires, en bonne santé, qui étaient tous inactifs avant le début de l’étude.
👤 12 adultes n'exerçant pas d’activité physique pendant 6 semaines
👤 12 adultes appliquant un programme d’activité physique pendant 6 semaines
2 seuils étudiés :
Le seuil à partir duquel la douleur apparaît
Le seuil à partir duquel la douleur devient insupportable
A l’aide d’un brassard qui augmente progressivement la tension sur le bras et d’une machine qui exerce une pression croissante sur la peau, les chercheurs ont pu déterminer ces 2 seuils dans les 2 groupes, avant et après cette expérience de 6 semaines.
💁🏽♂️ Résultats :
Les seuils n’ont pas bougé pour le groupe inactif alors qu'une modification du seuil est apparue dans le groupe actif: la tolérance à la douleur était plus importante.
Autrement dit, ceux qui ont fait le programme d’activités physiques sont parvenus à accepter une pression plus forte avant qu'elle ne devienne insupportable.
L’activité physique (aérobie dans cette étude) a donc un effet bénéfique sur la sensibilité à la douleur.
🍎 L’alimentation a également un rôle de modulateur de la douleur, surtout concernant les douleurs inflammatoires, mais aussi des douleurs mécaniques*.
Un autre facteur important non négligeable : l’insatisfaction au travail.
J’ai mené un mémoire de recherche portant sur l’influence des facteurs psychosociaux sur la douleur physique chez les infirmiers.
S’il y a bien une chose qui en est clairement ressortie, c’est que le manque de reconnaissance et de satisfaction au travail augmente la sensibilité à la douleur.
D’autres facteurs de la douleurs (liste incomplète) qui feront surement l’objet d’un prochain article :
→ Les mauvaises croyances (“je me suis déplacé une vertèbre”, “je sais (à tort) que je ne pourrai plus jamais faire ca”)
→ La kinésiophobie : facteur très intéressant mais qui mérite un article à lui tout seul.
Elle correspond à une peur excessive et irrationnelle de faire certains mouvements ou de participer à une activité ( domestique, au travail, sport)
→ L’éducation à la douleur : La façon dont votre partenaire ou votre famille réagit à votre douleur peut avoir une influence sur votre expérience de la douleur
Pour les plus sérieux qui sont allés au bout de cet article, vous méritez d’en savoir un peu plus sur le facteur génétique, facteur qui est un des plus influents sur la sensibilité douloureuse.
📄 Foulkes & Wood (2005) ont étudié les articles expliquant le mécanisme complexe de communication et de perception de la douleur.
👩🏽🏫 Bref rappel :
L’ADN est une grosse molécule contenant l’information complète permettant le développement, le fonctionnement et la reproduction des êtres vivants.
Cet ADN est composé de 4 éléments : Adénine, Thymine, Cytosine et Guanine
Des combinaisons caractéristiques, fait d'enchaînements de ces éléments constituent un gène, c’est à dire un caractère héréditaire.
🕵🏻 On a réussi à identifier les gènes qui nous rendent sensible à la douleur.
Chez les personnes qui ont une mutation de ces gènes, on retrouve une hypersensibilité à la douleur, c’est à dire qu’une très faible atteinte peut entraîner chez eux une très forte douleur.
Au contraire, certaines mutations de gènes peuvent entraîner une insensibilité totale à la douleur.
☁️ Oui, cela pourrait en faire rêver certains de ne jamais avoir mal.
⚠️ Mais la douleur est aussi un moyen du corps de vous alerter lorsqu’il y a une fracture, une entorse, une luxation, une brûlure etc.
Notre mode de vie a donc une influence considérable sur ce type de sensibilité et sur l’apparition de douleurs qui dégradent notre qualité de vie.
Sources :
Bjørklund, G., Aaseth, J., Doşa, M. D., Pivina, L., Dadar, M., Pen, J. J., & Chirumbolo, S. (2019). Does diet play a role in reducing nociception related to inflammation and chronic pain?. Nutrition, 66, 153-165.
Jones, M. D., Booth, J., Taylor, J. L., & Barry, B. K. (2014). Aerobic training increases pain tolerance in healthy individuals. Med Sci Sports Exercice, 46(8), 1640-7.
*(pour ne pas surcharger l’article de termes techniques, cette partie est peu développée.
Si ce point vous intéresse, je vous invite à lire les articles mis en référence à ce sujet.
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